HARCÈLEMENT AU TRAVAIL : UN VÉRITABLE RISQUE POUR L’EMPLOYEUR ?

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Le harcèlement moral et le harcèlement sexuel sont prévus non seulement dans le Code du travail, mais également dans le Code pénal et font l’objet, depuis une dizaine d’années, d’un renforcement législatif et jurisprudentiel spectaculaire.

Selon un rapport du Bureau International du Travail déjà ancien datant de 1996, 4% des travailleurs feraient l’objet de violences physiques au sein de l’Union Européenne, 2 % feraient l’objet de harcèlement sexuel et 8 % d’intimidation et de brimade.

En France, 11 % d’hommes seraient l’auteur de violences physiques au travail, contre 9 % pour les femmes.

Enfin, plus de 20 % des femmes feraient l’objet de harcèlement sexuel.

Le législateur a donc prévu un renforcement du droit des victimes au travail en faisant peser sur l’employeur de très lourdes obligations, puisque l’employeur doit préserver l’intégrité physique des salariés (I), ainsi que leur santé mentale et leur dignité (II).

 

I –INTÉGRITÉ PHYSIQUE


A – PRINCIPE GÉNÉRAL

Le Code du travail prévoit en son article L 4121-1 que l’employeur doit préserver la santé des travailleurs en prenant les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des salariés.

Ces mesures portent sur la prévention des risques professionnels, sur la pénibilité au travail, sur les actions d’information et de formation et sur la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés tout au long du parcours professionnel.

Cette obligation générale se décline en deux axes, d’une part, une prévention des accidents de travail et des maladies professionnelles avec une prise en charge conséquente du préjudice de la victime, d’autre part, une interdiction de toute discrimination en raison de l’état de santé du salarié que ce soit à l’embauche, lors de l’exécution du contrat de travail ou au moment de la rupture.


B – PROTECTIONS PARTICULIÈRES

Parce que certaines catégories de salarié sont plus vulnérables, le législateur a prévu une protection accrue, c’est le cas des travailleurs handicapés.

C’est également le cas des jeunes travailleurs où l’âge minimal est, en principe, de 16 ans voire 14 ans pour certaines catégories ; ils bénéficient d’une surveillance médicale adaptée à leur âge.

De plus, certains travaux leur sont interdits (débits de boissons, travaux dangereux, insalubres, métiers du transport etc.).

Une protection renforcée existe également pour les femmes enceintes dès l’annonce de leur grossesse et dans le cadre du retour à l’emploi.

A côté de l’intégrité physique du salarié qui est relativement facile à mettre en œuvre, l’employeur est confronté à une deuxième source d’obligation qui est beaucoup plus délicate lorsqu’il s’agit de préserver la santé mentale et la dignité des salariés.

II – SANTÉ MENTALE ET DIGNITÉ DES SALARIÉS

La notion de santé mentale est entrée dans le Code du travail en 2002 afin d’être en conformité avec les textes européens qui, depuis la directive du 12 juin 1989, posent le principe de la prévention de la santé et de la sécurité des salariés au travail comme étant un devoir essentiel de l’employeur.

Le législateur a donc demandé à l’employeur d’être particulièrement vigilant en cas de stress au travail (A) et de harcèlement moral ou sexuel (B).

A – STRESS AU TRAVAIL

L’accord national interprofessionnel sur le stress au travail du 24 novembre 2008 définit le stress comme un déséquilibre entre la perception qu’une personne a des contraintes qu’on lui impose et la perception qu’elle a de ses propres ressources pour y faire face.

Il s’agit donc d’une appréciation purement subjective que l’employeur doit parvenir à identifier que ce soit dans l’organisation du travail (charge de travail, heures supplémentaires), dans l’environnement de travail (exposition au bruit, à la température), dans la communication etc.

Une fois identifiée, l’employeur doit traiter la situation de stress et la faire disparaître avec l’aide du médecin du travail, du CHSCT lorsqu’il existe et des partenaires sociaux.


B – HARCÈLEMENT SEXUEL ET MORAL

Le harcèlement sexuel est le fait d’imposer à une personne de façon répétée ou non des propos ou comportements à connotation sexuelle portant atteinte à sa dignité.


Le harcèlement moral est constitué par des agissements répétés ou non qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits des salariés, sa dignité ou d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.


Le Code pénal punit de deux ans d’emprisonnement et de 30.000 € d’amende de tels agissements.

Certaines pratiques apparemment anodines ont été considérées comme des actes de harcèlement moral par la jurisprudence, tels que :

fixer des objectifs irréalistes ou sans moyens,
décharger un salarié d’une tâche et la confier à un autre sans le prévenir,
contrôler systématiquement les absences, la durée des pauses etc.,
faire preuve d’humour de façon lourde et répétée,
et de façon plus classique :
priver de téléphone, de bureau, de moyen de locomotion,
affectation systématique à des travaux subalternes,
brimades, provocations répétitives, dénigrements etc.

Cependant, la frontière est souvent ténue entre le harcèlement moral et l’exercice du pouvoir disciplinaire.

En effet, il peut paraître tout à effet équitable de contrôler les absences des salariés afin d’éviter tout abus ou de confier une tâche subalterne, dès lors qu’elle rentre dans le cadre de la fonction habituelle du salarié.

En résumé, il n’y a pas de liste strictement définie, mais plutôt une appréciation au cas par cas, sachant que l’employeur, en cas de litige, devra justifier le bien fondé de tels agissements par rapport aux autres salariés.

Enfin, l’employeur est tenu d’une obligation de résultat en matière de santé au travail et non simplement de moyen.

Cette obligation pèse sur l’employeur qui est certes responsable de ses propres agissements à l’égard d’un salarié, mais également responsable des agissements de ses salariés, tel un chef de service sur son équipe.

L’employeur qui ne peut malheureusement pas tout voir, ni tout contrôler doit mettre en œuvre suffisamment de moyens pour éviter d’être un jour inquiété non seulement au plan civil, mais également au plan pénal.

En conclusion, l’employeur est responsable de la santé physique et mentale des salariés et est tenu d’une véritable obligation de résultat.
La tendance jurisprudentielle actuelle tente de considérer que les faits de harcèlement ou le stress au travail sont constitutifs d’une maladie professionnelle.
Les conséquences indemnitaires sont donc importantes, d’autant que le salarié peut saisir le Tribunal des affaires de sécurité sociale afin de faire reconnaître la faute inexcusable de l’employeur.
Il est donc indispensable de définir les risques et de mettre en œuvre des moyens de prévention efficaces au sein de l’entreprise.

THIERRY PELLETIER / Avocat : EN SAVOIR +