« SOIGNE TON MANDAT, SINON LA COMMISSION S’EN VA … »

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Il y a des domaines où le formalisme revêt toute son importance :

L’automobiliste trop pressé sera relaxé si l’appareil cinémomètre (radar) n’a pas été vérifié dans les douze mois précédant l’excès de vitesse.

Le dealer sera relâché s’il manque, dans le dossier d’instruction pénale, la liste des Juges d’Instruction de permanence.


Mais, l’agent immobilier verra sa commission s’envoler s’il ne respecte pas les conditions légales et impératives attachées à tout mandat.

Avant d’analyser le contenu du mandat (I), les obligations des deux parties (II), puis l’extinction du mandat (III), il convient de rappeler quelques règles élémentaires trop souvent oubliées.

En premier lieu, le mandat a un caractère obligatoire puisque les agents immobiliers doivent détenir un mandat écrit et préalable, étant précisé qu’ils peuvent détenir un mandat à la fois du vendeur et de l’acquéreur pour une même opération.

En deuxième lieu, le mandat écrit doit être établi en autant d’originaux que de parties ayant un intérêt distinct et chaque original doit contenir la mention indiquant le nombre d’originaux qui ont été faits.

Le mandat doit donc être fait en double, à savoir un exemplaire pour le mandant et un exemplaire pour l’agent immobilier, cette formalité étant d’ordre public.

Chaque exemplaire du mandat doit, évidemment, être signé par les deux parties.

En troisième lieu, le défaut d’inscription du numéro de mandat sur l’un des exemplaires est sanctionné par la perte de la commission ou par la perte de dommages et intérêts au cas où l’opération ne se ferait pas par la faute de l’acquéreur ou du vendeur.

En quatrième lieu, le mandat doit être signé par toutes les personnes ayant la propriété du bien, même en présence d’une clause de « porté fort ».

En cinquième lieu
, tous les mandats doivent être mentionnés par ordre chronologique sur un registre des mandats, à peine de nullité du mandat et de l’absence de droit à commission.

En conclusion, le caractère écrit du mandat est un principe absolu car son défaut emporte nullité de l’opération sans possibilité de régularisation ultérieure.

Au surplus, le non respect du formalisme est une faute imputable au mandataire qui lui interdit d’engager la responsabilité délictuelle du mandant en cas de faute avérée de celui-ci.


I – CONTENU DU MANDAT

Certaines mentions sont obligatoires (A), d’autres facultatives (B), d’autres encore interdites et abusives (C).


A – MENTIONS OBLIGATOIRES

- Principe : le mandat doit préciser, conformément à l’article 6 de la loi du 2 janvier 1970, les conditions selon lesquelles l’agent immobilier est autorisé à recevoir, verser ou remettre des sommes d’argent, biens, effets ou valeurs à l’occasion des opérations qui lui sont confiées, les modalités de reddition de compte et les conditions de détermination de la rémunération.

Le mandat doit donc comporter un objet précis.

- Durée : le mandat doit obligatoirement préciser sa durée.

Un mandat renouvelable par tacite reconduction sans date limite extrême ou sans limitation dans le nombre de renouvellements tacites est nul pour indétermination de la durée ; le mandat initial reste, cependant, valable et seule la clause de renouvellement indéfinie est frappée de nullité.

En cas de mandat avec clause d’exclusivité, la dénonciation ne peut intervenir dans les trois premiers mois de la signature du mandat.

- Maniement des fonds : le mandat doit préciser les conditions de maniement des fonds pour le compte des parties.
- Rémunération : le mandat doit préciser si la rémunération est à la charge exclusive de l’une des parties à l’opération ou si elle est partagée.

En cas de partage, les conditions et les modalités doivent être indiquées dans le mandat et reprises dans l’engagement des parties.

Rappelons que l’agent immobilier ne peut recevoir ni demander directement ou indirectement des commissions ou des rémunérations, à l’occasion d’une opération, d’une personne autre que celles visées dans le mandat et dans l’engagement des parties.

De même, la référence, dans le mandat, à un tarif « légal », affiché dans l’agence, par exemple, n’est pas suffisante.


B – CLAUSES FACULTATIVES AUTORISÉES

- Exclusivité : une clause d’exclusivité, une clause pénale ou une clause aux termes de laquelle une commission sera due par le mandant même si l’opération est finalement conclue sans les soins d’intermédiaires, est autorisée à condition qu’elle résulte d'une stipulation expresse et en caractères très apparents portés sur le mandat.

En contrepartie, ce mandat peut être dénoncé à l’issue d’un délai de trois mois, à tout moment, par chacune des parties, sauf dans certains cas (vente d’immeubles par lots, locaux à usage commerciaux etc…)

- Pouvoir de vendre ou d’acheter pour le compte du mandant : le mandat peur prévoir, par une clause expresse, que l’agent sera habilité à signer la vente à la place du vendeur.

Depuis le début de l’année 2008, la Cour de Cassation a mis fin à la théorie du mandat apparent qui permettait de « forcer la vente » en recourant au concept de la croyance légitime que l’agent immobilier avait le pouvoir de signer ladite vente.

Une nouvelle fois, les règles d’ordre public de la loi HOGUET s’applique de façon stricte.


C – CLAUSES INTERDITES ET ABUSIVES

- Le mandat d’acheter ou de prendre à bail un bien non identifié ne doit contenir aucune clause fixant à l’avance le montant des dommages et intérêts ou du dédit éventuellement dû par la partie qui ne remplirait pas ses engagements.
- Les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer un déséquilibre notoire entre un agent immobilier et un non professionnel.

- La clause prévoyant une tacite reconduction illimitée dans le temps.

- La clause qui a pour objet ou effet d’interdire, sans limite raisonnable, de traiter sans le concours d’un mandataire avec un acquéreur présenté par lui ou ayant visité les locaux avec lui, mais la durée de douze mois après l’expiration du mandat n’est pas jugée abusive.

Attention : en cas de doute sur l’application d’une clause, l’interprétation est toujours favorable au non professionnel et, donc, au détriment de l’agent immobilier.


II – OBLIGATIONS DES PARTIES

A – OBLIGATIONS DE L’AGENT IMMOBILIER

L’agent immobilier ne peut rien faire au-delà de ce qui est porté dans son mandat.

Il ne peut pas, non plus, se rendre acquéreur des biens qu’il est chargé de vendre !

L’agent immobilier doit obligatoirement informé le mandant de l’accomplissement du mandat de vendre ou d’acheter dans les huit jours de l’opération par lettre recommandée avec accusé de réception ou par écrit remis contre récépissé.

L’agent immobilier a une obligation de conseil tant vis-à-vis du mandant que des tiers et la jurisprudence analyse cette obligation de façon extensive.


B – OBLIGATIONS DU MANDANT

Faut-il rappeler que le mandant est tenu d’exécuter des engagements contractés par l’agent immobilier, conformément au mandat donné ?

Honorer le mandat signifie donc ne pas trouver des prétextes pour ne pas rémunérer l’agent immobilier …


III – EXTINCTION DU MANDAT

Le mandat prend fin :

par la renonciation de l’agent immobilier,

par la disparition, la tutelle ou le dépôt de bilan de l’agent immobilier ou du mandant,

par la révocation du mandataire à tout moment.

Toutefois, la révocation abusive permet à l’agent immobilier de réclamer des dommages et intérêts en réparation de son préjudice.

De même, en matière d’indivision, la révocation doit émaner de l’ensemble des co-indivisaires et n’aura d’effet qu’à la date à laquelle l’agent immobilier en aura eu connaissance.


EN CONCLUSION

L’agent immobilier doit veiller à la régularité du mandat, sans quoi le mandant indélicat ne manquera pas de trouver un bon prétexte pour ne pas régler la commission due à l’agent immobilier qui, pourtant, aura trouvé, vendu ou loué le bien tant recherché …


THIERRY PELLETIER / Avocat : EN SAVOIR +