Assises des Ardennes : « Il nous a tirés comme des lapins ! », témoignent les policiers après la prise d’otages dans l’Aube

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Quatre ans après, leur émotion reste intacte. Ce mardi, les 12 policiers qui sont intervenus à La Chapelle-Saint-Luc (Aube) le 3 mars 2020, ont témoigné de leur traumatisme devant la cour d’assises des Ardennes.

Depuis ce lundi 3 mars, Murat Demiri, un Aubois de 38 ans, est jugé en appel devant la cour d’assises des Ardennes à Charleville-Mézières pour tentative de meurtre sur des policiers le 3 mars 2020.

« Il m’est arrivé de prendre la voiture et de regarder les arbres le long de la route. » À la barre, Cédric évoque les idées noires qui lui ont traversé l’esprit. Ce 3 mars 2020, le policier de 47 ans se trouve en première ligne pour intervenir au 4e étage du 4 rue Jean-Zay à La Chapelle-Saint-Luc, près de Troyes.

J’ai dû faire le deuil du policier que j’étais avant

 

Murat Demiri est retranché chez lui, avec femme et enfants. Cédric et ses deux collègues, Angélique, porteuse d’un Taser, et Léa, avancent en colonne jusqu’à la porte de l’appartement. Il tient le bouclier balistique censé les protéger. Les événements s’enchaînent très vite, comme les tirs d’arme à feu. « J’ai compris tout de suite qu’on nous tirait dessus. Le bouclier n’était pas calibré pour être confronté à une arme lourde. » Une balle le transperce. « Je devais me jeter au sol sinon j’allais mourir. » Un tir frôle Angélique. Un second projectile brûle Cédric.

Avant d’être policier, Cédric a été militaire, puis gendarme. « J’ai connu des théâtres de conflits mais se faire tirer comme des lapins, je n’ai rien connu d’aussi violent. » Bilan : 21 jours d’ITT. Un genou en vrac. Des problèmes d’audition. Sans oublier l’impact psychologique. « Il m’a fallu faire le deuil du policier que j’étais », confie-t-il. « Je suis interdit de voie publique car sous antidépresseur. Je n’ai toujours pas repris mon arme de service. » Il a intégré un service d’enquête. « Je mène des investigations ; la violence c’est fini pour moi… »

Angélique a repris le travail dès le lendemain
Elle s’était promis de ne pas craquer. Mais Angélique a de nouveau été submergée par l’émotion. Elle qui affiche pourtant 24 ans de carrière dans la police. Les souvenirs de cette journée sont intacts. « Je n’ai pas l’amnésie de Monsieur Demiri. » Et d’avouer : « Jamais je n’ai eu peur à ce point-là. » Les larmes coulent, discrètes, mais bien là. « J’ai pensé à mes propres enfants. » Angélique a repris le travail dès le lendemain.

Léa constituait le 3e élément de cette colonne. Elle n’avait que trois mois de métier à l’époque. « Pour moi, cette intervention a été une remise en question. Je me suis demandée si j’étais prête à ça. J’ai eu peur de mourir. » Quatre ans plus tard, Léa n’a pas quitté la police mais elle reste adjointe. « J’ai tout mis en suspens. Après le procès, je veux pouvoir enfin tourner cette page. » Angélique espère que Léa passera le concours. « Elle sera une très bonne policière. »

Les douze policiers se sont succédé à la barre pour témoigner. Et à douze reprises, l’accusé aura eu cette même phrase : « Je suis désolé, je m’excuse encore. »

ARTHUR DE LA ROCHE / Avocat : EN SAVOIR +