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En ce troisième et dernier jour de procès, le vendredi 20 octobre, pour le meurtre et la tentative de meurtre rue Harar dans le quartier de La Houillère à Charleville-Mézières, la cour criminelle a retenu la légitime défense dans les deux cas et a acquitté Frédéric Potdevin. Un point longuement défendu par l’avocat de la défense et contesté par les parties civiles lors des plaidoiries.
Les faits
Dans la nuit du 7 au 8 mai, Francis Jacquet et Nicolas Denis se rendent au domicile de Frédéric Potdevin rue Harar dans le quartier de La Houillère. Les deux amis soupçonnent Frédéric Potdevin de vendre de la drogue aux mineurs, dont le fils de Francis Jacquet.
Nicolas Denis frappe l’homme seul chez lui à plusieurs reprises. Frédéric Potdevin s’empare d’un couteau, blesse Francis Jacquet et poignarde Nicolas Denis, qui périra de cette blessure.
Du mercredi 18 au vendredi 20 octobre, le procès s’est tenu devant la cour criminelle au tribunal de Charleville-Mézières. Les chefs d’accusations retenues à l’égard de Frédéric Potdevin sont le meurtre et la tentative de meurtre.
Au terme du procès, les juges ont acquitté Frédéric Potdevin des deux chefs d’accusations, en raison de sa légitime défense.
Les faits de la nuit du 7 au 8 mai 2020, entraînant la mort de Nicolas Denis et de lourdes blessures à Francis Jacquet, résultent peut-être d’un effet papillon. D’un mensonge anodin sont nées des rumeurs, entraînant un règlement de compte qui a mal tourné. Frédéric Potdevin comparaissait devant la cour criminelle de Charleville-Mézières du mercredi 18 au vendredi 20 octobre pour meurtre et de tentative de meurtre. Il a été acquitté par la cour criminelle ce vendredi pour les deux chefs d’accusation, en raison de sa légitime défense.
« Si cela nous arrivait, on aurait tous eu la trouille et peur pour notre vie », Maître Arthur de la Roche, avocat de l’accusé
Les avocats des parties civiles et l’avocat de la défense ont tous plaidé sur le facteur de la légitime défense de Frédéric Potdevin. Pour qu’elle soit reconnue, la légitime défense doit respecter plusieurs points, notamment la réponse à une agression, et ce de manière proportionnée. « C’est quasiment un cas pratique de premier cycle d’étudiant en droit. Pour qu’il y ait légitime défense, il faut une agression. Or, Francis Jacquet n’a pas frappé Frédéric Potdevin. La légitime défense ne tient pas pour mon client », a plaidé Maître Ahmed Harir, avocat de Francis Jacquet. Un second point est abordé, lorsque Frédéric Potdevin ouvre la porte volontairement alors qu’il savait que les deux hommes arrivaient. Selon Maître Aline Guillin, avocate de la mère du défunt Nicolas Denis, la légitime défense ne tient pas non plus. « Personne ne casse la porte ou n’entre par la fenêtre, ni par ruse. Il les a vus à l’œilleton et sait à l’avance qu’ils viennent. Alors pourquoi ouvre-t-il la porte ? Il aurait pu appeler les policiers. »
Du côté de la défense, Maître Arthur de la Roche a défendu la légitime défense de Frédéric Potdevin. « Depuis 1810, la loi décide de dire que le domicile est un lieu sacré, l’endroit où chacun doit être en sécurité. C’est notre cocon, un espace de protection inviolable. Il a réagi avec un instinct de survie et il a eu peur pour sa vie. »
Entre application juste de la loi et incompréhension
Après le verdict, Maître Arthur de la Roche apprécie la décision des juges, dans « une application juste de la loi concernant la légitime défense. La cour criminelle n’a pas retenu le caractère disproportionné de la réponse de la part de Frédéric Potdevin au regard de l’agression qu’il a subie. Si cela nous arrivait, on aurait tous eu la trouille et peur pour notre vie ». Si Nicolas Denis a porté des coups, Francis Jacquet, lui, est resté en retrait. « Francis Jacquet n’a pas frappé Frédéric Potdevin, alors il y a une incompréhension sur le fait que Frédéric Potdevin a usé de cette légitime défense, » selon Maître Ahmed Harir.
L’émotion a envahi la cour et de l’incompréhension ressort chez les proches de Nicolas Denis. « C’est une décision compliquée à vivre pour la famille. Ils avaient beaucoup d’attentes qui s’envolent aujourd’hui, et surtout de l’incompréhension. Le verdict dit qu’il n’est pas coupable alors qu’ils ont perdu un proche », relève Maître Aline Guillin, avocate de la mère de Nicolas Denis.
Une fin de procès entretristesse et rage
« Concernant toute cette histoire, je pense que c’est du gâchis, avec de la tristesse et de la rage », lit l’avocat général dans un procès-verbal. « Je pense que beaucoup auront ce sentiment à la fin du procès », enchaîne-t-il. La tristesse s’est emparée de certains assis sur les bancs de la cour à l’annonce du verdict, ainsi que des paroles de déception. La rage, quant à elle, est arrivée un peu plus tard, une petite quinzaine de minutes après la fin du procès, à l’extérieur du tribunal.
Un début de bagarre à la sortie de l’audience
Bon nombre de personnes, présentes dans la salle pendant le procès, et certainement des proches des parties, se sont disputées devant les portes du tribunal. Le ton est monté et les discussions se sont transformées en cris. Un homme a même tenté de s’en prendre physiquement à une femme, mais il a été intercepté par les forces de l’ordre et plaqué au sol, avant d’être emmené par les gardiens de la paix. De la tristesse et de la rage.