CONSTRUIRE C’EST BIEN, MAIS S’ASSURER C’EST MIEUX !

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Depuis la loi du 4 juillet 1978, la construction est soumise à un régime d’assurance obligatoire, qui est, en fait, un double régime :

- obligation de s’assurer en responsabilité décennale avant l’ouverture du chantier pour toute personne dont la responsabilité peut être mise en jeu sur le fondement des articles 1792 et suivants du Code Civil, ainsi qu’au constructeur non réalisateur,

- obligation pour le maître d’ouvrage de souscrire, avant le début des travaux, une assurance dommages-ouvrage qui permettra le préfinancement rapide des travaux de réparation des désordres indépendamment de toute recherche de responsabilité.

I – ASSURANCE DE RESPONSABILITÉ DÉCENNALE

A – QUI DOIT S’ASSURER ?

Toute personne physique ou morale dont la responsabilité décennale est susceptible d’être engagée doit être couverte par une assurance.

Il s’agit, notamment, de l’architecte, de l’entrepreneur, du bureau d’études, de l’ingénieur conseil, des techniciens du bâtiment, du métreur etc...

C’est également le cas du vendeur en cas de vente après achèvement, du mandataire du propriétaire de l’ouvrage, du fabricant d’une partie d’ouvrage ou d’un élément d’équipement conçu et produit pour satisfaire à des exigences précises (EPERS), du contrôleur technique, du constructeur de maisons individuelles, du constructeur non réalisateur, du constructeur en vue de la vente, du vendeur d’immeubles à construire ou à rénover.

Sont, en revanche, dispensés de l’obligation d’assurance l’Etat lorsqu’il construit pour son compte, le sous-traitant qui n’a pas de lien contractuel avec le maître d’ouvrage, le coordonnateur sécurité-santé, le prestataire de service non constructeur intervenant dans le domaine de l’entretien et de la maintenance par exemple, ainsi que le syndic et l’administrateur de bien.

Il est à noter que si le sous-traitant n’a pas d’obligation légale d’assurance à l’égard du maître d’ouvrage, il a tout intérêt à souscrire une telle assurance.

Enfin, la pratique de l’assurance collective de responsabilité décennale pour plusieurs entreprises sur un même chantier est autorisée, ce qui permet de faire diminuer le coût de l’assurance.


B – DOMAINE DE LA GARANTIE

Les difficultés naissent généralement au titre de la garantie et il convient d’être très vigilant sur les notions de travaux, de dommages et d’activités garantis

1. – Travaux garantis

Il s’agit des travaux commencés après la prise d’effet de la police.

Initialement, la jurisprudence s’attachait uniquement à la déclaration officielle d’ouverture de chantier (DROC) mais, désormais, elle adopte une position plus réaliste en considérant que l’entrepreneur doit être couvert dès lors qu’il a démarré ses travaux avant la prise d’effet de la police d’assurance.


2. – Dommages garantis

Seuls les dommages relevant de la responsabilité décennale sont couverts, à l’exclusion des désordres relevant des garanties de parfait achèvement ou de bon fonctionnement qui peuvent faire l’objet de contrats d’assurance distincts.

Les dommages couverts sont donc ceux qui compromettent la solidité de l’immeuble ou le rendent impropre à sa destination, pouvant résulter d’un vice du sol, d’un vice de construction ou d’un défaut de conformité aux stipulations contractuelles et non apparent à la réception.

Le contrat d’assurance de responsabilité décennale ne couvre donc pas les dommages immatériels qui relèvent de garanties facultatives.

Il est donc indispensable de s’assurer au titre des dommages immatériels en cas d’interruption de chantier pendant plusieurs semaines voire plusieurs mois.

Enfin, seuls les désordres immobiliers sont pris en charge et non les dommages mobiliers, dans l’hypothèse, par exemple, d’un effondrement de la charpente ayant causé des désordres aux meubles.


3. – Activités garanties

Seules sont garanties les activités professionnelles déclarées à l’assureur.

Cependant les activités non garanties sont généralement visées dans le contrat d’assurance et seule une exclusion formelle et précise ne pourra être prise en charge au titre du contrat d’assurance.

En cas de sinistre, il doit être recherché si l’activité déclarée correspond aux travaux à l’origine des désordres ou non.

L’assureur est tenu d’une obligation de conseil et doit vérifier que la police couvre bien l’activité de l’assuré dont il a connaissance.

Si l’activité n’est pas garantie, il s’agit non pas d’une exclusion de garantie ou d’une déclaration inexacte de risque, mais d’un cas de non assurance qui est opposable non seulement à l’assuré mais également aux tiers.

Cependant, le fait pour un assureur de prendre la direction d’un procès intenté à l’assuré sans faire de réserve en raison de circonstances connues excluant la garantie vaudrait renonciation de la part de l’assureur à l’égard de l’assuré à se prévaloir d’une exception de non garantie.


4. – Exclusion de garantie

L’assureur peut opposer une exclusion de garantie en cas :

de fait intentionnel ou dol du souscripteur,
d’usure normale, du défaut d’entretien ou de l’usage anormal,
de la cause étrangère.

Ces exclusions sont limitées et doivent être formelles dans le contrat d’assurance.


5. – Déchéance de garantie

L’assureur peut opposer une déchéance de garantie pour inobservation inexcusable des règles de l’art.

La jurisprudence est très restrictive et exige un comportement particulièrement fautif de l’assuré.

Cependant la déchéance de garantie est inopposable aux bénéficiaires des indemnités.


C - APPLICATION DANS LE TEMPS

La garantie s’applique pendant dix ans, étant précisé que le délai décennal est interrompu par une citation en Justice, même en référé, ou par la reconnaissance expresse ou tacite par le constructeur de sa responsabilité du chef des malfaçons constatées.

En cas de résiliation de la police, tout fait générateur de responsabilité antérieur à cette résiliation sera couvert par l’assureur.


D – MONTANT DE LA GARANTIE

Le contrat d’assurance comprend un plafond de garantie ainsi qu’une franchise, c’est-à-dire un forfait laissé à la charge de l’assuré dont le montant peut être négocié au moment de la signature du contrat d’assurance.

En revanche, la franchise est inopposable aux bénéficiaires des indemnités, si bien que l’assureur devra régler l’intégralité de l’indemnité, à charge pour lui de se retourner contre l’assuré pour réclamer le remboursement de la franchise dans un délai de deux ans à compter du paiement effectué.

Enfin, en cas d’omission ou de déclaration inexacte des risques par l’assuré, ce dernier est sanctionné par une réduction proportionnelle de l’indemnité qui est opposable aux tiers lésés.

II – ASSURANCE DOMMAGES-OUVRAGE

L’objet de l’assurance dommages-ouvrage est de garantir, en dehors de toute recherche de responsabilité, le paiement de la totalité des travaux de réparation des dommages de nature décennale.


A – QUI DOIT S’ASSURER ?

Le propriétaire de l’ouvrage, le vendeur ou le mandataire du propriétaire de l’ouvrage doivent souscrire une assurance dommages-ouvrage.

C’est également le cas du promoteur, du titulaire du bail à construction ou à réhabilitation, du crédit-bailleur ainsi que les personnes morales de droit public.

En revanche, sont dispensés de cette obligation d’assurance le maître d’œuvre et l’Etat pour les travaux réalisés pour son compte.

En cas de vente de l’ouvrage, l’assurance dommages-ouvrage est transférée de plein droit aux propriétaires successifs.


B – ETENDUE DE LA GARANTIE

1. – Domaine de la garantie

Seuls les dommages de nature décennale sont couverts.

En revanche, les dommages provenant d’un vice apparent lors de la réception sont également couverts par l’assurance dommages-ouvrage.

Mais l’assurance dommages-ouvrage ne couvre pas la non réalisation de tout ou partie de l’ouvrage, ni les dommages immatériels.


2. – Prise d’effet

L’assurance dommages-ouvrage prend effet après l’expiration du délai de garantie de parfait achèvement, soit un an après la réception des travaux.

Il en sera de même en cas de résiliation du marché, sous réserve qu’une mise en demeure préalable soit adressée à l’entrepreneur défaillant.

3. – Durée de la garantie

La garantie dommages-ouvrage prend fin dans un délai de dix ans à compter de la réception.

Ce délai ne doit donc pas être confondu avec le délai de prescription de cinq ans applicable depuis la loi du 17 juin 2008.


4. – Montant de la garantie

L’assurance dommages-ouvrage garantit la totalité des travaux de réparation des dommages de nature décennale.

L’obligation d’indemnisation s’étend même à la réalisation des travaux qui n’étaient pas prévus à l’origine mais qui sont nécessaires pour remédier aux désordres.


C – GESTION DU SINISTRE

En cas de sinistre, l’assuré est tenu à plusieurs obligations, dans un délai précis :

1. – Déclaration de sinistre

L’assuré a l’obligation de déclarer le sinistre à son assureur dommages-ouvrage dès qu’il en a eu connaissance et, au plus tard dans le délai fixé par le contrat qui ne peut être inférieur à cinq jours ouvrés.

L’assuré ne peut saisir directement une juridiction avant un délai de soixante jours permettant à l’assureur dommages-ouvrage de se positionner sur l’application ou non des garanties prévues au contrat d’assurance.


2. – Obligations de l’assureur

L’assureur a un délai de soixante jours pour se positionner sur la garantie et procéder à une expertise des désordres, sauf pour les dommages de faibles importances.

Dans ce dernier cas, le délai pour se prononcer sur la garantie dommages-ouvrage est réduit à quinze jours.

L’assureur a un délai de quatre vingt dix jours à compter de la réception de la déclaration du sinistre pour faire une offre d’indemnité à l’assuré ; ce délai est réduit à quinze jours en cas de dispense d’expertise.

Le délai peut cependant être allongé de quarante cinq jours supplémentaires, soit cent trente cinq jours à compter de la déclaration de sinistre en cas de difficultés exceptionnelles.

En cas d’acceptation par l’assuré de l’indemnité, l’assureur a un délai de quinze jours pour régler ladite indemnité.
En conclusion, l’assuré a tout intérêt à être garanti par un assureur dommages-ouvrage, ce qui lui permet d’éviter l’aléa et la longueur des procédures judiciaires...

III – ASSURANCES FACULTATIVES

Tout ce qui n’est pas obligatoire est donc laissé à la libre appréciation des parties.

Les assurances facultatives les plus courantes sont les suivantes :

l’assurance effondrement, qui est destinée à couvrir les dommages à l’ouvrage, quelle qu’en soit leur cause, susceptibles d’intervenir avant réception et dont doit nécessairement répondre l’entrepreneur qui est garant de l’ouvrage jusqu’à la réception,

l’assurance tous risques chantier (DRC) qui couvre les dommages accidentels intervenant pendant les travaux et résultant d’une cause extérieure ; elle vise les dommages causés aux travaux, aux matériaux, en cas d’incendie, glissement de terrain, vol, tempête etc... Il est à noter que l’action contre l’assureur TRC se prescrit par deux ans,

l’assurance des existants qui a pour but d’assurer les dommages causés par des travaux à des ouvrages existant,

l’assurance de responsabilité civile de l’entrepreneur à l’égard des tiers pour des dommages causés par les travaux, le matériel ou le personnel de l’entreprise tant en cours de chantier qu’après travaux,

l’assurance de responsabilité professionnelle de l’architecte,

l’assurance des promoteurs et autres constructeurs non réalisateurs,

l’assurance des sous-traitants,

la police unique de chantier (PUC) qui regroupe dans un même contrat :

l’assurance dommages-ouvrage,
l’assurance de responsabilité obligatoire des constructeurs,
l’assurance facultative éventuellement souscrite.


EN CONCLUSION

En cas d’acquisition d’un bien immobilier récemment construit ou en cours de construction , il est de l’intérêt du maître d’ouvrage de vérifier préalablement qu’une assurance dommages-ouvrage est bien souscrite et que les constructeurs sont titulaires d’un contrat d’assurance de garantie décennale, outre de garantie biennale et de bon fonctionnement.

THIERRY PELLETIER / Avocat : EN SAVOIR +