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Lien vers article de l'Union
Mis en examen dans la vendetta qui a fait un mort chez les nomades de Reims en 2019, puis remis en liberté sous contrôle judiciaire, un père et son fils ont effectué leur retour à la barre, accusés d’une série de vols qu’ils contestent. Laissés libres, ils seront jugés le 10 mars.
Leur avocat aurait bien fait l’économie d’un pareil retour sur la scène judiciaire. Nomades habituellement stationnés dans la région de Reims, Joé Jouard, 21 ans, et son père Ringo, 45 ans, attendent de savoir s’ils vont comparaître devant la cour d’assises de la Marne pour un procès qui se tiendra sous très haute surveillance. Les deux hommes font partie du clan impliqué dans l’expédition meurtrière qui avait visé la famille adverse des Duguet, en 2019 au quartier Saint-Charles : un mort chez les Duguet, cinq blessés de part et d’autre.
Les ennuis de Joé et Ringo ont commencé avec le cambriolage de deux celliers à Villers-Franqueux et Mailly-Champagne
Mis en examen, le fils pour « tentative d’assassinat », le père pour « complicité de tentative d’assassinat », ils ont été remis en liberté sous contrôle judiciaire au printemps 2020 (tous les suspects écroués l’ont d’ailleurs été). Le duo ne faisait plus parler de lui, jusqu’en ce début d’année où son chemin a croisé celui des gendarmes de la compagnie de Reims.
Un pick-up Toyota qui voyage beaucoup la nuit
L’enquête démarre dans la nuit du 2 au 3 janvier, avec le cambriolage d’un cellier de champagne à Villers-Franqueux. Un deuxième cellier est fracturé la nuit suivante à Mailly-Champagne. Quatre-vingts et cent cartons de bouteilles sont volés par les malfaiteurs qui neutralisent la vidéosurveillance en l'aspergeant avec une bombe lacrymogène.
Aperçu lors des deux casses, un pick-up Toyota Hulix volé le 2 janvier à Boult-sur-Suippe est de nouveau repéré lors d’un périple commis dans la nuit du 5 au 6 janvier. À Loivre, le bar-tabac Le Picardie reçoit la visite d’individus qui retournent les lamelles du rideau, puis tentent de le soulever, sans y parvenir. Dans les Ardennes à Sévigny-Waleppe, la même équipe s’introduit par effraction du grillage dans l’entreprise de matériels agricoles Inter-Business. Là aussi, elle repart bredouille.
Au retour du périple, le pick-up est signalé dans l’agglomération rémoise où les gendarmes font le lien avec une Peugeot 3008 – propre celle-là, non volée – soupçonnée d’être une voiture relais. Elle est repérée plus tard, prise en chasse et interceptée à Tinqueux. À son bord : Joé, Ringo et deux amis (un dénommé Damien et un certain Jimmy).
Voiture en libre-service ?
« Leur culpabilité est loin d’être acquise », prévient cependant l’avocat de la famille Jouard, Me Pascal Ammoura. Certes, ils se trouvaient à bord de la Peugeot 3008 mais « il y a un battement de deux heures » entre leur arrestation et le dernier méfait, souligne le pénaliste. « Un véhicule, on peut y monter et en descendre à tout moment. » Sous-entendu, rien ne prouve que les prévenus étaient les individus descendus du pick-up pour rejoindre la 3008 à la fin du périple, d’autant que chez les gens du voyage, on a l’habitude de se prêter les véhicules.
Concernant les cambriolages de celliers, Me Ammoura et sa consœur Mathilde Martiny n’ont pas besoin de plaider l’innocence de leurs clients : ces deux faits à l’origine de l’enquête ne sont pas retenus contre eux, au motif qu’aucun élément matériel ne les incrimine.
La famille repart avec son gros sac
Reste donc les tentatives de cambriolages à Loivre et Sévigny-Waleppe, ainsi que le recel du pick-up. Présentés samedi au parquet de Reims, Joé et Damien sont remis en liberté sous contrôle judiciaire tandis que Ringo et Jimmy sont écroués dans l’attente du procès ce lundi 9 janvier. La défense demande un délai, avec renvoi de l’affaire au 10 mars. En attendant, que faire de Ringo et Jimmy ? Tour à tour, Mes Ammoura et Martiny plaident la remise en liberté, en invoquant l’existence d’un emploi pour Jimmy et d’une formation de remise à niveau pour Ringo.
Après en avoir délibéré, le tribunal les remet également dehors sous contrôle judiciaire strict. Toute la famille repart joyeuse, alors que son moral n’était pas au beau fixe avant l’audience : elle était venue avec un gros sac rempli d’effets personnels à remettre à ceux qu’elle voyait déjà rester en prison.
Deux morts, cinq blessés et un premier procès le 17 janvier
Dans la nuit du 3 au 4 juillet 2019, pisté et surpris par sa belle-famille alors qu’il se promène à Thil avec sa maîtresse, Joselito Prime, 37 ans, percute mortellement sa compagne Isabelle Duguet en s’enfuyant du parking de la mairie. Interpellé puis écroué, il est libéré quinze jours plus tard à cause d’une erreur de procédure. Son contrôle judiciaire l’éloigne du département de la Marne pour éviter tout incident.
Le 18 septembre 2019, des membres du clan Duguet profitent de son retour à Reims – à l’occasion d’une audience – pour le menacer de mort sur le camp familial route de Witry. Une heure plus tard, le clan Prime et ses alliés Jouard débarquent en représailles chez les Duguet, impasse Saint-Charles. Les assiégés ripostent. Coups de feu et coups de couteau font un carnage : deux blessés et un mort chez les Duguet (Thierry, frère d’Isabelle, tué par balle) ; trois blessés côté Prime, dont deux hospitalisés avec un pronostic vital engagé (Ringo Jouard, égorgé avec une lame ; Christophe Prime, touché par balle et qui a failli perdre une jambe). Le troisième blessé est son frère Xavier Prime, poignardé.
Au total, six des belligérants ont été mis en examen. L’instruction est terminée, mais des demandes d’actes sont toujours en cours devant la cour d’appel. En revanche, l’enquête concernant la mort d’Isabelle Duguet a été clôturée. Mis en examen à l’époque pour « coups mortels aggravés » , Joselito Prime a finalement bénéficié d’une correctionnalisation des faits en « homicide involontaire » , le juge ayant considéré qu’il avait percuté accidentellement sa compagne en reculant lors de sa fuite. Son procès est prévu mardi prochain 17 janvier au tribunal de Reims.
À signaler que lui et son frère Xavier, comme Jouard père et fils, ont de nouveau croisé le chemin des gendarmes : ils ont été mis en examen et incarcérés cet automne dans le cadre d’un trafic de voitures volées.