Dans le cadre d’une information judiciaire menée par un Juge d’Instruction, la loi permet le placement en détention provisoire de la personne mise en examen, c’est-à-dire contre laquelle le juge d’instruction estime qu’il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu'elle ait pu participer, comme auteur ou comme complice, à la commission des infractions pénales dont il est saisi.
Le placement en détention provisoire ne peut être ordonné que par le Juge des Libertés et de la Détention, à l’issue d’un débat contradictoire.
La détention provisoire, en tant que mesure exceptionnelle et particulièrement attentatoire aux libertés individuelles, est strictement encadrée par le Code de procédure pénale.
L’ensemble des règles édictées par le législateur n’ont d’autre but que de permettre à la personne poursuivie de se défendre et de prévenir l’arbitraire.
Le rôle de l’Avocat est alors fondamental par la vigilance qu’il accordera au respect des droits de la personne placée en détention provisoire.
Par trois décisions obtenues récemment par Maître Arthur DE LA ROCHE, Associé du Cabinet PELLETIER & Associés, la Cour d’Appel de Reims a rappelé que les principes régissant le placement en détention provisoire n’étaient pas négociables, et que leur violation entrainait la mise en liberté d’office de la personne mise en examen.
1. Mise en liberté d’office si la défense n’a pas eu la parole en dernier
L’article préliminaire du Code de procédure pénale dispose que :
« La procédure pénale doit être équitable et contradictoire et préserver l'équilibre des droits des parties. »
L’article 6.1 de la CESDH stipule que :
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. »
Il se déduit du principe contradictoire du procès pénal que la défense et le mis en cause doivent toujours avoir la parole en dernier.
Ce principe a été consacré par la Chambre Criminelle de la Cour de Cassation qui juge de manière constante qu’au cours de l’instruction, la parole doit toujours être donnée en dernier à la défense ou au mis en examen. (Cass. Crim. 22 Mars 2017, pourvoi 17-80186)
Par arrêt du 24 Juin 2021, la Chambre de l’Instruction de la Cour d’Appel de Reims a ordonné la mise en liberté d’office de Monsieur X, client de Maître DE LA ROCHE, suspecté d’escroqueries commises en bande organisée, et incarcéré provisoirement depuis 8 mois.
En effet, lors du débat contradictoire s’étant tenu devant le Juge des Libertés et de la Détention dans le but de prolonger de 4 mois supplémentaires la détention provisoire du suspect, celui-ci ne s’était pas vu offrir la parole en dernier.
La Cour d’Appel n’a pu que constater la violation des droits de la défense et a annulé l’ordonnance de prolongation de la détention provisoire.
Dès lors que cette ordonnance est annulée, la mise en liberté d’office doit être prononcée et M. X a donc été remis immédiatement en liberté.
2. Mise en liberté d’office si l’Avocat n’a pas été convoqué dans les délais légaux
L’article 114 du Code de procédure pénale dispose que :
« Les avocats sont convoqués au plus tard cinq jours ouvrables avant l'interrogatoire ou l'audition de la partie qu'ils assistent par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, télécopie avec récépissé ou verbalement avec émargement au dossier de la procédure »
L’absence de convocation régulière de l’avocat désigné en vue de débat contradictoire de prolongation de la détention fait nécessairement grief aux intérêts de la personne mise en examen, et emporte la nullité absolue de l’ordonnance de prolongation. (Crim. 4 Décembre 2007, n° 07-86794)
Il est en effet indispensable que l’Avocat dispose du temps nécessaire pour préparer la défense de son client, compte-tenu de la gravité de la décision que doit prendre le Juge des Libertés et de la Détention.
L’avocat doit pouvoir s’entretenir avec son client incarcéré, récupérer des documents auprès de sa famille ou de ses proches, prendre connaissance d’éventuels éléments nouveaux de la procédure.
Dans cette affaire, Maître DE LA ROCHE était co-désigné avec un autre Avocat par une personne suspectée de proxénétisme commis en bande organisée.
Seul le second Avocat avait été convoqué par le Juge des Libertés et de la Détention, 1 jour avant l’audience, et à une adresse erronée.
Aucun des Avocats n’ayant eu connaissance de la convocation, la personne s’était retrouvée seule lors de l’audience devant le Juge des Libertés et de la Détention, ne comprenant pas pourquoi ses Avocats, chargés de le défendre, étaient absents.
Le Juge des Libertés et de la Détention passait outre les protestations de la personne et prolongeait sa détention provisoire pour une durée de 6 mois.
Devant la Cour d’Appel, Maître DE LA ROCHE a soulevé la nullité de cette ordonnance de prolongation en raison de cette absence de convocation régulière.
La Cour d’Appel ne pouvait dès lors que constater que les droits de la défense n’avaient pas été respectés, et a prononcé la nullité de l’ordonnance et la mise en liberté d’office du mis en examen, par arrêt du 1er juillet 2021.
3. Mise en liberté d’office si le Juge des Libertés et de la Détention n’a pas indiqué dans sa décision qu’il existait des indices graves ou concordant
L’article 5.1 de la Convention Européenne de Sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales stipule que :
« Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales :
(…)
S’il a été arrêté et détenu en vue d’être conduit devant l’autorité judiciaire compétente, lorsqu’il y a des raisons plausibles de soupçonner qu’il a commis une infraction ou qu’il y a des motifs raisonnables de croire à la nécessité de l’empêcher de commettre une infraction ou de s’enfuir après l’accomplissement de celle-ci ; »
Par arrêt du 14 Octobre 2020, publié au bulletin, la Chambre Criminelle de la Cour de Cassation a rappelé, au visa de l’article 5 de la CESDH précité, que l’existence d’indices graves ou concordants était la condition préalable au placement ou au maintien en détention provisoire.
Tout à chacun comprendra en effet que le Juge doit vérifier s’il existe des raisons plausibles de soupçonner que la personne a commis une infraction avant de la placer en détention.
Cependant, ce principe de bons sens n’a été édicté que très récemment.
Dans cette affaire, Monsieur X, client de Maître DE LA ROCHE, était mis en examen du chef de tentative de meurtre et son placement en détention provisoire était sollicité.
Lors du débat, il était soutenu qu’il n’existait pas d’indices suffisamment graves justifiant une incarcération.
Le Juge des Libertés plaçait alors la personne en détention, sans indiquer dans sa décision qu’il existait de tels indices.
Par une décision retentissante du 16 Septembre 2021, la Cour d’Appel de Reims annulait ce placement en détention provisoire, au motif que le Juge des Libertés et de la Détention ne faisait aucune mention de l’existence d’indices graves ou concordants.
Le suspect était immédiatement remis en liberté d’office.
Ces trois décisions obtenues démontrent une fois encore le rôle fondamental de l’Avocat dans le contentieux de la détention provisoire qui, au-delà de la défense stricto sensu de la personne qui lui confie sa défense, est le gardien du respect par l’autorité judiciaire des droits de la défense et du respect des règles de procédure édictées par le législateur.
Les nullités de procédure en matière de détention provisoire permettent de garantir le respect de ces droits fondamentaux sans lesquels les justiciables seraient soumis à l’arbitraire.