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Cet été, un policier qui venait de quitter le commissariat de Reims avec son véhicule personnel avait été pris en chasse par les occupants d’une BMW. Le conducteur et un passager ont été condamnés mardi, mais l’enquête n’a pu établir qu’ils avaient eu connaissance de la profession de l’automobiliste.
Le monde à l’envers… Le 15 août dernier, ce ne sont pas des policiers qui ont coursé un délinquant mais des délinquants qui ont coursé un policier, dans sa voiture personnelle, alors qu’il quittait son service au commissariat. Jahid Benrazek et Mehdi Rmiche l’affirment cependant : ils ignoraient que l’automobiliste pris en chasse travaillait à l’hôtel de police.
Il est 5 heures du matin, ce 15 août, lorsque la victime sort du parking du commissariat. Il s’agit d’un policier adjoint, nouvelle appellation des adjoints de sécurité (jeune sous contrat). Il s’engage boulevard Roederer au moment où passe la BMW de Jahid Benrazek. Chômeur de 28 ans déjà condamné à 12 reprises, ce dernier explique l’avoir confondu avec un inconnu qui l’aurait photographié et pris en chasse deux nuits plus tôt. « Je crains des règlements de compte », dit-il, sans s’étendre.
Les poursuivants ont jeté à deux reprises sur la voiture du policier des bonbonnes de gaz hilarant
Au feu place de la République, la BMW occupée par « deux ou trois autres personnes » s’arrête à côté de la victime. « Le passager arrière a baissé la vitre et l’a regardé de façon fixe », relate l’avocate du plaignant, Me Catherine Desgrippes. « Mon client a compris qu’il ne lui voulait pas du bien. Par peur, il a décidé de “couler” le feu rouge et à partir cet instant, la BMW l’a poursuivi. Alors qu’elle le dépassait, le passager arrière a jeté sur sa voiture une bouteille de protoxyde d’azote (NDLR : produit utilisé comme gaz hilarant). »
Pris en chasse « à 110 km/h » dans les rues de la ville, le policier adjoint est tellement pressé par la BMW qu’il ne peut voir la plaque d’immatriculation. À un moment, elle prend une autre direction mais réapparaît face à lui avenue de Laon. Elle roule sur les voies du tramway, fait demi-tour et reprend la chasse. Effrayé, l’automobiliste revient à l’hôtel de police où il se réfuge dans la cour. Alors que la BMW le dépasse lors de son arrivée au commissariat, une seconde bonbonne de protoxyde d’azote est jetée sur sa voiture.
Quatre et dix-huit mois de prison
Le véhicule disparaît mais l’enquête permet d’identifier Jahid Benrazek ainsi que le passager arrière, Mehdi Rmiche, 21 ans, livreur de pizzas déjà condamné à deux reprises et qui était justement recherché pour purger une peine de sept mois ferme. Les deux jeunes originaires de Wilson seront arrêtés les 30 septembre et 1er octobre, non sans difficulté pour Jahid (lire ci-dessous).
Mardi au procès, le parquet en a convenu : aucun élément n’a permis d’établir que la qualité du policier était connue des prévenus. Cette circonstance aggravante ne leur a donc pas été reprochée et le tribunal a condamné Mehdi Rmiche à quatre mois de prison ferme, Jahid Benrazek à dix-huit mois. Ils ont expliqué avoir inhalé du gaz hilarant cette nuit-là, ce qui ne les aurait pas aidés à avoir les idées claires et distinguer un ennemi d’un quidam, selon leur version.
Le poursuivant du policier coursé à son tour
Le 17 août, deux jours après l’agression du policier adjoint, Jahid Benrazek est repéré rue Landouzy dans sa BMW, (qu’il conduit sans être titulaire du permis). Deux fonctionnaires lui intiment l’ordre de sortir en le mettant en joue. Il accélère, ils doivent s’écarter. Un véhicule se met en barrage. La BMW s’arrête, puis repart en marche arrière alors que les deux policiers se portent à sa hauteur. Une nouvelle fois, ils doivent s’écarter.
L’équipage affirme avoir fait les sommations « Halte police ! », avec les brassards. « Je ne savais pas que c’était des policiers », se défend Jahid Benrazek. « Quand ils m’ont braqué, je n’ai pas vu de gyrophare ni de brassard. J’ai eu peur. » Il explique avoir pensé à des malfaiteurs qui voulaient lui voler sa BMW (en fait un véhicule de location qui lui avait été sous-loué, et qui sera retrouvé abandonné dans le parc d’activités de Witry-lès-Reims.).
Avocat du prévenu, Me Arthur De La Roche met en doute le port des brassards et obtient la relaxe de son client pour le refus d’obtempérer et les violences.
Le 1er octobre, Jahid Benrazek est de nouveau repéré alors qu’il quitte le magasin Decathlon de Cormontreuil avec une amie. C’est elle qui conduit. Il lui ordonne de ne pas s’arrêter. Elle roule à contresens, grille des feux, slalome entre des voitures, passe à toute vitesse devant le collège Paul-Fort où des élèves doivent s’écarter, escalade un trottoir, crève un pneu et roule encore une trentaine de mètres avant de s’immobiliser rue Estienne-d’Orves.
Jahid Benrazek jaillit et « fonce tête baissée » sur un policier qui prend le choc en plein thorax. La percussion est d’autant plus violente que le prévenu est de forte corpulence : le fonctionnaire est « propulsé » contre son véhicule puis au sol. Dernier acte avant l’interpellation du prévenu, accusé de rébellion mais là aussi le tribunal le relaxe. Reste le défaut de permis du 17 août et la complicité du refus d’obtempérer du 1er octobre pour lesquels, avec les faits du 15 août, il est condamné à 18 mois de prison ferme. Son amie avait fait l’objet d’un rappel à la loi pour la course-poursuite.