Coups de feu dans un quartier de Reims: les plaignants ont menti, le tireur obtient un non-lieu pour la «tentative de meurtre»

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Mis en examen pour « tentative de meurtre », un Rémois n’a finalement été condamné que pour le port d’arme prohibé : il n’avait visé personne, les plaignants ont menti en l’accusant d’avoir tiré dans leur direction.

Rémois de 33 ans, Farid Benrazek revient de loin. À la mi-temps de son match contre la justice (pour user d’une métaphore qui colle à l’actualité), il risquait 30 ans de réclusion criminelle pour « tentative de meurtre », mais au coup de sifflet final des trois hommes et femme en noir du tribunal de Reims, il a quitté le terrain avec une petite peine de deux mois d’emprisonnement ferme pour un simple port d’arme prohibé. Magnifique remontada dont le coup d’envoi a été donné le 15 septembre 2019 au quartier Wilson.

Morsure et coups de poing
Ce matin-là, vers 7 heures, deux frères accompagnés d’une nièce se mettent en route pour les vendanges mais une voiture garée en pleine voie leur bloque le passage, allée Jean-Sébastien-Bach. Une fille est au volant, occupée à bavarder avec deux hommes. Le groupe refuse de s’écarter, les vendangeurs s’impatientent, le klaxon retentit.

 

Rémois de 33 ans, Farid Benrazek revient de loin. À la mi-temps de son match contre la justice (pour user d’une métaphore qui colle à l’actualité), il risquait 30 ans de réclusion criminelle pour « tentative de meurtre », mais au coup de sifflet final des trois hommes et femme en noir du tribunal de Reims, il a quitté le terrain avec une petite peine de deux mois d’emprisonnement ferme pour un simple port d’arme prohibé. Magnifique remontada dont le coup d’envoi a été donné le 15 septembre 2019 au quartier Wilson.

Morsure et coups de poing
Ce matin-là, vers 7 heures, deux frères accompagnés d’une nièce se mettent en route pour les vendanges mais une voiture garée en pleine voie leur bloque le passage, allée Jean-Sébastien-Bach. Une fille est au volant, occupée à bavarder avec deux hommes. Le groupe refuse de s’écarter, les vendangeurs s’impatientent, le klaxon retentit.

« Qu’est-ce que tu veux ? Tu cherches la merde ? » , vocifère l’un des individus en attrapant le conducteur par le col. Son frère descend pour le défendre, mais il est empoigné par l’autre homme qui lui tapote le crâne avec une bouteille d’alcool : « Tu veux que je te casse la tête ? ».

Alertés par le tumulte, une dizaine de jeunes surgissent des alentours pour frapper les deux vendangeurs à coups de poing. L’un d’eux est même mordu au flanc à travers son pull. « Cassez-vous ! Vous ne savez pas qui on est ! », hurle un agresseur. Paniquée, la nièce s’enfuit. C’est alors que Farid Benrazek arrive sur les lieux, arme au poing. Quelques instants plus tard, la jeune fille entend des coups de feu tout en assistant à la fuite de ses oncles qui sont parvenus à remonter dans l’auto. « Nous étions en train de repartir. Il nous a suivis et a tiré en visant notre voiture », accuse le conducteur. La police arrive, seul Farid est arrêté, tous les autres ont détalé et aucun ne sera identifié.
Un revolver volé et vendu sur une brocante

Deux jours plus tard, présenté au tribunal en comparution immédiate, Farid admet avoir tiré, mais « en l’air ». « Je revenais de discothèque. Quand je suis arrivé, il y avait déjà une dizaine d’individus qui foutaient le bordel en bas de chez moi. Ma mère dormait. Je ne voulais pas qu’elle soit réveillée. Je leur ai demandé d’aller plus loin, mais personne ne m’écoutait. C’est pour ça que je suis allé chercher une arme et que j’ai tiré en l’air. C’était pour intimider tout ce groupe-là, le faire fuir pour pas qu’il réveille ma mère. »

L’unique vidéosurveillance disponible au moment du procès montre pourtant le prévenu bras tendu « à hauteur d’homme » , la tête tournée comme pour se protéger du bruit des détonations. Car l’arme utilisée n’est pas un pétard de foire : Farid a tiré à balles réelles, avec un revolver 44 magnum volé en 2011 lors d’un cambriolage, et qu’il affirme avoir acheté 500 euros sur une « brocante de campagne » , il ne sait plus dans quel village.

A l’audience, l’avocat du prévenu a distribué les cartons contre les plaignants qui l’accusaient d’avoir tiré sur eux : « l’instruction a démontré qu’ils ont menti »

Sur la vidéo, le véhicule des vendangeurs est cependant hors champ. D’autres lacunes amènent le tribunal à refuser de juger l’affaire, estimant nécessaire l’ouverture d’une information judiciaire. Et c’est ainsi que Farid se retrouve devant un juge d’instruction qui le met en examen pour « tentative de meurtre ». Suivent huit mois de détention provisoire, puis un contrôle judiciaire.
Le parquet abandonne la partie

Trois ans ont passé et le coach de Farid, Me Arthur De La Roche, se réjouit de cette information judiciaire et distribue les cartons contre les vendangeurs : « L’instruction a démontré qu’ils ont menti ». D’autres vidéosurveillances ont été exploitées, et les images contredisent en effet la version des plaignants qui accusent le prévenu d’avoir tiré « en visant » leur voiture. « Sur ces vidéos, on voit M.Benrazek sortir cette arme et tiré à trois reprises » : « deux fois au sol », et la troisième fois « à hauteur d’homme », mais vers une façade d’immeuble, pas en direction de la voiture. Certes, les vendangeurs ont bien été agressés par une bande mais « ce qu’ils ont raconté sur M.Benrazek n’est pas vrai, ils en ont rajouté ». Qu’ont-ils à dire ’? Rien du tout puisque les deux frères d'origine soudanaise se sont évaporés en cours de procédure.

Sur la base de ces nouveaux éléments, le juge d’instruction a rendu un non-lieu pour la tentative de meurtre. Il n’a même pas retenu les violences ou menaces avec arme, contre l’avis du parquet pour qui brandir un pistolet et tirer suffisait à caractériser l’infraction. C’est donc pour le seul port d’arme prohibé que Farid a été renvoyé ce mardi 6 décembre devant le tribunal et condamné à deux mois de prison, peine déjà purgée en détention provisoire.

Il n’y aura pas de prolongations : le procureur a fait savoir qu’il ne ferait pas appel du jugement.
La justice moins rapide que Kylian Mbappé

Conscient que les 28 mentions inscrites au casier judiciaire font un peu désordre, Me Arthur De La Roche souligne que la délinquance de son client relève de l’histoire ancienne. « C’est quelqu’un qui a grandi. Il a mûri. Depuis cette affaire, il n’a plus fait parler de lui et il a parfaitement respecté son contrôle judiciaire. »

Remis en liberté en juin 2020, Farid était parti s’installer dans le sud de la France, avec interdiction de paraître à Reims. Cette interdiction a été levée en janvier dernier, sauf que l’administration est beaucoup moins rapide qu’un Kylian Mbappé lancé à toute vitesse : cet allégement du contrôle judiciaire a mis du temps pour être actualisé dans les fichiers, dénonce Me De La Roche, si bien que son client s’est fait interpeller « plusieurs fois » par la police de Reims pour la prétendue violation de l’interdiction de séjour.

ARTHUR DE LA ROCHE / Avocat : EN SAVOIR +