Jusqu’à dix ans de prison pour un trafic de cannabis de grande ampleur à Reims

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Les dix personnes poursuivies pour avoir été mêlées, à des degrés très divers, à un trafic de drogue, ont été condamnées, ce mardi à Reims. Quatre, toutefois, ont bénéficié de relaxes partielles.

Après six heures de délibéré, enfin, les trois juges étaient de retour. Dans la salle d’audience, où avaient pris place une vingtaine de policiers et encore un peu plus de proches des mis en cause, le silence était total. C’était une évidence : le jugement allait faire des déçus. La veille, la procureure Boyer avait requis de lourdes peines et évoqué « un trafic de stupéfiants d’ampleur internationale » ; les avocats de la défense, eux, avaient plaidé des relaxes, totales ou partielles, qualifiant de « grand n’importe quoi » ce dossier à propos duquel un enquêteur avait dit : « On en voit passer deux ou trois dans une carrière. »

Qu’ont estimé les juges du tribunal correctionnel ? Que les investigations menées par les gendarmes de la section de recherches de Reims avaient bien mis en lumière un « trafic de stupéfiants », celui-ci n’avait pas de dimension « internationale ». Pour cela, les quatre prévenus poursuivis pour « importation » furent relaxés de ce délit. Trois d’entre eux furent en revanche condamnés pour les autres infractions en lien avec ce trafic.

Paul Klatt, interpellé en possession de 324 kilos de cannabis, jugé en état de récidive, a écopé de sept ans de prison

Présenté comme la tête de réseau, Zakarya El Ghorfi, en état de récidive à l’âge de 31 ans, a écopé de dix ans de prison et 100 000 euros d’amende. Mardi, le ministère public avait réclamé 14 ans de prison à son encontre. Son frère aîné, Yassin, contre qui 12 ans de prison avaient été requis, doit être soulagé : les juges ont estimé qu’il ne pouvait en rien être relié au trafic. En revanche, cet homme, interpellé en possession de 100 000 euros en cash lors d’un contrôle douanier, a été reconnu coupable de « blanchiment » et condamné à 30 mois de prison. Cette peine lui évite l’incarcération et pourra être exécutée en portant un bracelet électronique.

Paul Klatt avait été arrêté en mars 2017 par le GIGN au volant d’un fourgon contenant 324 kilos de cannabis – la seule saisie, en réalité, de ce dossier. Il écope de sept ans de prison, trois de moins que les réquisitions du parquet. Absent lors du jugement, un mandat d’arrêt a été décerné contre lui.

Soufiane Jorf, Moussa Ghoudjil et Marouane Boussouf ont été condamnés à la même peine : cinq ans de prison et 10 000 euros d’amende. Ces deux derniers, contre qui six ans de prison avaient été demandés, sont retournés derrière les barreaux dès le prononcé du jugement, après avoir comparu libres. Déjà détenu, Jorf, contre qui huit ans d’emprisonnement avaient été requis, reste pour sa part en prison.

À l’énoncé du jugement, des larmes, de la tension et quelques cris de colère
Les quatre autres prévenus, reconnus coupables des faits reprochés, avaient tenu, selon l’accusation, des rôles moindres voire anecdotiques. Morou Soumare, contre qui cinq ans de prison avaient été réclamés, écope de 18 mois de prison, dont 12 avec sursis. Puisqu’il a déjà effectué six mois de détention provisoire, il a pu sortir libre du palais de justice. Steve Lamarle, condamné à deux ans de prison, pourra purger sa peine avec un bracelet électronique ; absent de ce procès, Michel Divry, condamné à un an, est toujours recherché ; enfin, Moulay A., père de famille jusqu’alors sans antécédent judiciaire, jugé pour recel pour avoir eu entre les mains quelques centaines d’euros générés par le trafic, écope d’un an prison avec sursis. Enfin, le tribunal ordonnait la confiscation de sept véhicules.

À l’énoncé du jugement, des larmes coulèrent et quelques cris de colère retentirent : « Mais il n’y a rien dans ce dossier ! », « C’est quoi cette justice ? » et même un « Vous allez mal dormir ce soir, Madame la procureure ! » La salle fut rapidement évacuée sans débordement.

Vers un jugement en appel
Certains des avocats de la défense feront appel de ce premier jugement. Comment pourrait-il en être autrement lorsqu’on a plaidé la relaxe ? « Il faut bien comprendre que ce jugement n’est que le premier round », confiait l’un d’eux, hier soir. Et d’argumenter : « Comparé aux peines requises, le jugement ne nous est pas si défavorable. Devant la cour d’appel, nous pourrons espérer quelques années de prison en moins pour nos clients. » La relaxe de Yassin El Ghorfi pour les faits de trafic de stupéfiants pourrait-elle avoir, dans le cadre d’un second procès, un effet domino sur d’autres mis en cause, davantage liés, selon l’enquête, à ce dernier qu’à son frère Zakarya, considéré par les juges comme le chef du trafic ? Rendez-vous est déjà pris devant une autre juridiction pour débattre du fond… et de la forme. Les moyens de nullité de la procédure soulevées lundi ont été rejetés par les juges du tribunal correctionnel « mais là encore, ce n’est qu’un épisode. » L’épilogue judiciaire de ce volumineux dossier reste encore à écrire.

THIERRY PELLETIER / Avocat : EN SAVOIR +